Alice Aucuit

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L’art dégage des sensations, une sensibilité parfois même une réminiscence… Aujourd’hui te sens-tu à l’aise dans ce partage d’émotions avec autrui ? As-tu « mal au ventre » avant de montrer tes œuvres pour la première fois ?

Chaque expo est pour moi un défi, bien souvent j'y développe un nouveau concept, voir de nouveaux process. J'ai du mal à me tenir à un style ou une thématique je suis en perpétuelle recherche et la partager avec autrui est toujours délicat. Le dialogue avec le lieu qui m'accueille est pour moi essentiel et la mise en scène des œuvres est une étape cruciale. Dans l'anonymat j'ai toujours plaisir à observer les autres face à mon travail mais le temps du vernissage est pour moi une torture physique et psychologique et pourtant ce moment d'exposition est essentiel dans le développement créatif.

 
 

Toujours dans cette mouvance de l’émotion ; continuons sur un sujet qui me tient à cœur, celui du statut de la femme en général et particulièrement dans le monde professionnel… En tant qu’artiste, te sens-tu écoutée et comprise dans ta féminité, sensibilité ?

Je suis une artiste avant tout qu'importe le sexe, les clivages tel qu'il soit m'exaspèrent souvent. Je ne sais pas si en voyant mes pièces on se dit «  Ah tiens ça c'est l'œuvre d'une femme ». Je ne suis pas féministe, je suis pour la parité, l'équité sous toutes ses formes. Je ne suis pas pour la journée de la femme ou les concours exclusivement féminin, je trouve cela plutôt dévalorisant. Mais il est vrai que dans mon travail j'exprime souvent un point de vue personnel donc certainement féminin je parle aussi beaucoup du désir féminin. J'aime parler des oubliés, des minorités et c'est vrai que dans l'Histoire et même encore aujourd'hui la place de la femme a souvent été lésée. Je pense aussi qu'effectivement les femmes sont sous représentés dans beaucoup de secteurs professionnels et notamment dans l'art et plus particulièrement à haut niveau. Quand elle est dans les grands musées la femme est souvent nue, couchée sur le tableau. Elles est trop souvent mise en valeur en tant que sujet et pas assez acteur !

 
 

Ton rapport au temps, à la mémoire est explicite dans ton travail, penses-tu être quelqu’un de « nostalgique » ?

Oui, la mémoire est un fil conducteur dans mon travail. J'aime confronté le passé et l'actualité sous forme d'anachronisme, de parodie. Je suis friande des petites histoires de la grand Histoire et je suis aussi fascinée par les différents espace/temps

 
 

Nostalgique ?

Non, je ne pense pas. Je m'imagine souvent vivre à d'autres époques et c'est vrai que j'ai du mal à me projeter dans le futur. Et j'essaye depuis quelques temps de vivre pleinement le temps présent, ce qui n'est pas si facile.

 
 
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Peux-tu nous parler de ta vision sur la dualité artisanat d’art et art qui peut être clivant pour certains ? Peut-on parler pour certains objets « d’artisanat artistique » ou « artisans d’art » ?

Je défends la possibilité d'associer démarche artistique contemporaine et savoir-faire traditionnel. Ce qu'on appellera les œuvres artistiques sont pour moi essentielles, personnelles et très instinctives mais façonner un bol qui intègrera la vie d'un autre, un lieu réel, une intimité quotidienne est pour moi une forme d'engagement et me paraît pertinent pour démocratiser l'art

 
 

As-tu grandi au sein d’une grande famille, quels sont tes liens familiaux aujourd’hui ? Penses-tu qu’il y ai une résonnance dans ton travail ?

Oui, j'ai une grande famille qui vit dans le Loir et Cher. Et c'est comme dans la chanson. Le noyau  (maman et mes frères) est un repère et je vais régulièrement me ressourcer auprès d'eux. L'enfance n'a pas été simple et cela nous a soudés pour la vie. Je pense que comme tout un chacun l'arbre généalogique influe nos vies et doit forcément résonner dans mon travail.

 
 

Qu’y a t’il de plus précieux dans l’art de la céramique pour toi ?

C'est pour moi un témoin majeur du marathon humain. Ce qui est précieux c'est cet équilibre entre héritage et expérimentation.

 
 

Nous connaissons tes travaux en céramique, y a t’il d’autres médiums qui tu souhaiterais mettre en lumière auprès du public ?

J'aime mixer la céramique avec d'autres matériaux notamment ce qu'on appelle les pauvres sachet de thé, crin de chevaux, plâtre, cire, corde, cheveux, objet glanés ou anciens, palette, peau, mousse.. . Et aussi avec d'autres médias ; photos, vidéos....Je me suis remise plus sérieusement au dessin et je me lâche sur des grands format en peinture depuis peu.

 
 
 
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Est-ce-que tu es heureuse d’avoir choisi et assumé ta vie d’artiste ?

Je suis heureuse oui mais je sacrifie beaucoup de chose pour vivre cela pleinement et notamment du temps que je pourrais accorder plus au gens que j'aime et qui m'entoure. C'est aussi une grosse prise de risque et j'espère ne pas le regretter plus tard ! Je suis aussi bien consciente que j'ai beaucoup de chance, ce facteur peut vraiment changé la donne dans une carrière artistique

 
 

Qu’est ce qui t’a amené à travailler ici à La Réunion ?

L'avion ! En fait cette question est délicate car On m'a demandé de ne plus le dire ! Une autre bonne question aurez été qu'est ce qui t'a fait rester à La réunion !

 
 
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Es-tu inspirée par un artiste en particulier, un pays, une couleur... ? Ou pour faire plus simple, d’où vient cette envie de créer ?

Tout m'intéresse, je suis de nature très curieuse. Un lieu, un texte, un mythe, un fait historique peuvent devenir déclencheurs d'une nouvelle création. Les artistes que j'aime sont divers et variés. Ces dernières années j'ai développé un lien très fort avec l'Asie à travers mes voyages. J'aime toutes les couleurs surtout quand elles sont en relation entre elles. Je ne sais pas mais c'est comme si c'était une évidence essentielle voir vital !

 
 

Si tu avais un super pouvoir ce serait quoi ?

Le don d'ubiquité

 
 
Pauline Dougé